20190703_162829Livre qui m’a été conseillé par une de mes relectrices, alors qu’elle lisait une partie de mon dernier roman traitant de tranches de vie à la campagne.

Autant le dire de suite pour éviter les déceptions : d’un point de vue narratif, c’est moyen. Il ne faut pas lire ça en s’attendant à un roman avec intrigue ; on est à l’opposé complet du polar hyper construit qui promène le lecteur, ou de la poésie dont le doigté des phrases suffit pour s’envoyer l’esprit en l’air.
En revanche, d’un point de vue ethnologique, c’est extrêmement riche. Ça plonge le lecteur dans la France profonde au cours du dix-neuvième siècle, et décrit dans le moindre détail comment vivaient les métayers et leurs familles. Travail, moeurs, vie de famille, amitiés, amours, maladie, politique, cuisine, rythmes de vie, pratiques agricoles : le narrateur raconte en détail sa vie, en toute simplicité, de l’aube du dix-neuvième siècle à son crépuscule. Chacun des cinquante-huit chapitres aborde une tranche de vie, autour d’un thème ou d’une anecdote. Ça se prête assez bien à une lecture épisodique, pour « grignoter » un passage par-ci par-là entre deux autres bouquins ou d’autres activités (ce qui fait qu’il m’a fallu près de deux mois pour le terminer, alors que j’ai lu une quinzaine d’autres bouquins sur la même période…)

J’ai trouvé ça particulièrement intéressant au sujet des rapports de classe, entre métayers, gérants de propriétés, propriétaires, bourgeois, artisans, commerçants, etc.  Ça m’a permis de mieux comprendre l’enfance qu’ont pu connaître mes grands-parents (dans une métairie de l’Italie profonde entre les deux Guerres : l’époque et le lieux varient, mais ça a quand même éclairé certaines anecdotes entendues en repas de famille).

C’est à la fois triste de constater que les gens aient pu considérer ainsi leurs semblables du « bas de l’échelle » (ceux-là même sans lesquels ils n’auraient rien à se mettre sous la dent…), et désolant de se dire que les choses ont si peu évolué en près de deux siècles (les milieux sociaux actuels restant relativement hermétiques les uns avec les autres, même si leurs contours ont changé depuis). Puis, après réflexion, ça remet en question notre conception actuelle du bonheur principalement axée sur notre temps libre et notre accès à une large gamme de loisirs. Est-on plus heureux ainsi que ces gens qui n’ont connu que le travail sous une forme d’asservissement, sans jamais s’éloigner de plus d’une dizaine de kilomètres de leur lieu de naissance ni jamais goûter au confort ?

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