Après soixante-dix ans de marxisme-léninisme, après des millions de morts, après l’implosion de l’URSS, que reste-t-il de l’Homo sovieticus ? Armée d’un magnétophone et d’un stylo, mue par l’attention et la fidélité, Svetlana Alexievitch a rencontré des survivants qui ont vécu la petite histoire d’une grande utopie et témoignent de cette tragédie qu’a été l’Union soviétique.
Ce magnifique requiem fait ainsi résonner des centaines de voix brisées : des humiliés et des offensés, des gens bien, d’autres moins bien, des mères déportées avec leurs enfants, des staliniens impénitents malgré le Goulag, des enthousiastes de la perestroïka ahuris devant le capitalisme triomphant et, aujourd’hui, des citoyens résistant à l’instauration de nouvelles dictatures…
A la fin subsiste cette interrogation : pourquoi un tel malheur ? Le malheur russe ? Impossible en effet de se départir de l’impression que ce pays a été « l’enfer d’une autre planète ».

Prix Nobel de Littérature, ça fait de la pub. Par curiosité, j’ai voulu en savoir un peu plus, et la manière d’écrire de l’auteure m’a suffisamment intrigué pour que j’achète ce livre.

Prix Nobel de Littérature. Ou comment la Littérature peut servir l’Histoire, celle avec un grand H.

J’avais pourtant l’impression d’avoir bien suivi mes cours d’Histoire, jusqu’au lycée. J’avais l’impression d’avoir compris Staline, le communisme, l’URSS, et tout le tintouin. Mais pas du tout ! Je n’avais qu’une version aseptisée, passée à travers le filtre de la vision occidentale. Mes livres d’Histoire n’étaient, en quelque sorte, qu’une version romancée du sujet, presque comme une fiction.

La réalité, l’Histoire, la Vraie, elle est là. Dans ce qu’en racontent les gens qui l’ont vécu. Quel que soit leur camp. Et ça chamboule tout ce qu’on pensait savoir. Qui avait raison de faire ce qu’il faisait ? Où était le bien, sinon dans des idéaux imaginaires ? Où était le mal, s’il n’était pas déjà partout ?

En écoutant les récits de tous ces citoyens lambda (oui, car on a beaucoup plus l’impression de les écouter que de les lire), on se met à leur place. On souffre. On doute. On a peur. On regrette. On n’excuse rien, mais on essaie de comprendre pourquoi les choses se sont passées comme ça, pourquoi elles ont abouti à ce résultat. Et on ressort plein de questions.

Qu’est-ce qui est propre à l’homme, qu’est-ce qui relève de la culture ? Comment une culture imposée peut-elle manipuler un peuple entier ? Après coup, beaucoup s’entendent pour dire que le communisme soviétique était un échec, mais qu’en est-il de notre capitalisme ?

Qu’est-ce qui forge l’identité d’un peuple, comment se définit son unité, sur quoi se fondent les groupes (Etats, partis, courants de pensée, nations, …) ?

Les utopies et idéaux sont-ils nécessaires ? Inévitables ? Bénéfiques ? Souhaitables ?

Quand une cause, une vision, une utopie est partagée par un large groupe, devient-elle plus juste, plus digne d’être réalisée ?

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